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Depuis un mois désormais, les évènements et les annonces s’accélèrent dans le domaine des vaccins et traitements en développement pour gérer la crise sanitaire. Les annonces pour des vaccins affichant des taux d’efficacité largement au-dessus des attentes initiales en particulier, se multiplient (en moyenne 90% d’efficacité – de 70% à 95% selon les acteurs). Rappelons que le seuil minimum d’exigence de la FDA et des autres autorités réglementaires, était de 50% d’efficacité pour les sujets vaccinés versus les sujets non vaccinés. Si la perspective d’un vaccin pour la fin de l’année se dessine de plus en plus concrètement et ne représente plus vraiment un défi à relever, aujourd’hui il s’agit surtout de relever les défis de la logistique et de la préparation des campagnes de vaccination. En parallèle de ces aspects purement pragmatiques, il faudra composer avec d’autres sujets moins triviaux : l’acceptation du vaccin de la part de la population, ce qui devient un réel obstacle à l’aube des lancements de campagnes, et la décision de la priorisation des personnes à vacciner. Si ces deux derniers points relèvent surtout de la responsabilité des Etats et des gouvernements, de leur côté les développeurs Biotech/Pharma avancent à grands pas sur leurs plans de développement et tiennent globalement leurs calendriers très ambitieux.

1/ Les vaccins : quelques rebondissements et à chacun sa stratégie

Pfizer/BioNTech : l’EU sera servie avant les US

Après son annonce du 10 novembre faisant office de toute première communication sur l’efficacité d’un vaccin contre la covid-19, Pfizer a redonné un espoir et des perspectives très concrets de sortie de crise à court terme. Le taux d’une efficacité atteignant 90% annoncé à l’époque - très au-dessus des 50% attendus pour permettre une homologation - avait alors entraîné une euphorie des marchés qui avaient fortement réagi. Depuis, le duo Pfizer/BioNTech a déposé le 20/11 un dossier pour une demande d’EUA auprès de la FDA qui a pour sa part précisé le calendrier quant à l’approbation des vaccins susceptibles d’être distribués avant la fin de l’année. Bien que la plupart des regards soient tournés vers les US qui ont globalement la primeur sur la plupart des vaccins les plus avancés (du fait des institutions, des dispositifs et des efforts consentis pour soutenir et accélérer les développements des vaccins et traitements contre la Covid-19), le premier vaccin est finalement arrivé d’abord en Europe et donc avant les US. En effet, le UK a très récemment annoncé qu’il pourrait accorder une autorisation d’utilisation en urgence du vaccin de Pfizer avant les US. L’annonce est tombée ce mercredi 2 décembre comme attendu : l'agence sanitaire du UK a donné son feu vert et la vaccination massive a débuté le 2 décembre. Le NHS (National Health Service) de son côté a été invité à préparer le lancement de cette campagne de vaccination qui démarre possiblement près de 10 jours avant les US. Le mardi 8 décembre sera donc le « V-day » au UK. Du fait des contraintes de conservation du vaccin de Pfizer, la vaccination sera réalisée en milieu hospitalier au sein de hub préparés à cet effet : d’abord 50 hôpitaux puis 1000 centres de vaccination selon le ministère de la Santé du pays. Il s’agira à ce stade d’adopter globalement la même stratégie que les autres Etats, à savoir prioriser les plus de 80 ans, le personnel des maisons de retraite et les plus vulnérables. Pour cette première phase de la campagne de vaccination, 800 k doses devraient être disponibles, ce qui correspondrait à 400 k vaccins (2 doses/personne). Rappelons qu’il existe un délai de 21 jours entre la première et la seconde injection qui devrait donc intervenir le 29 décembre pour les tous premiers vaccinés. Si l’on peut imaginer que cela laisse un délai suffisant à la pharma pour fabriquer et livrer de nouveau lot, sa récente annonce révélant que ses prévisions de fournir 100m de doses avant le 1er janvier 2021 ne pourraient pas être atteintes (50m de doses dorénavant), suscite quelques doutes sur les calendriers mais surtout sur les volumes de production que les différents acteurs prétendent pouvoir atteindre. Pour mémoire, avant la bataille sur les taux d’efficacité et le nombre de doses qu’elles pourraient livrer, les différentes sociétés s’étaient livrées à une bataille toute aussi médiatique sur la date de publication des premiers résultats d’efficacité : aucun acteur n’a pu tenir le calendrier initial qui prévoyait des résultats en octobre 2020. Les premières publications intermédiaires ont été faites fin novembre. Il est fort probable que cet enthousiasme et ce trop-plein d’optimisme obligent de nouveau à annoncer des retards pour ce qui concerne les dates de livraison mais surtout les volumes. A titre de rappel, lors de vastes campagnes de vaccination, ce sont près de 25% des vaccins qui deviennent obsolètes à cause du non-respect de la chaîne du froid et des conditions de conservation. Si l’on peut s’attendre à d’importantes précautions dans la présente situation, nous ne pouvons pas exclure les incidents qui entraîneront obligatoirement un taux de déchet. En bout de chaîne, ce seront donc probablement moins de 400 000 personnes qui pourront réellement recevoir un vaccin Pfizer dans le cadre de cette première phase de vaccination au UK.  Pour mémoire, la Grande-Bretagne a commandé pour 40m de doses du vaccin Pfizer/BioNTech. Le pays aurait désormais accès à 357m de doses de vaccins en provenance de 7 développeurs différents. Depuis, le pays a renforcé son arsenal de 2m de doses supplémentaires commandées auprès de Moderna le 30/11 après l’annonce des résultats finaux de son vaccin qui atteignent un taux de 94,1%.

Du côté des US, la demande d’EUA de Pfizer a été soumise le 20/11, et les conclusions de l’AdCom sont attendues le 10 décembre selon Moncef Slaoui, Responsable du plan Warp Speed. La FDA devrait rendre son verdict très rapidement à la suite des conclusions de l’AdCom, ce qui suggère un démarrage probable de la vaccination dès le 12 décembre aux US pour le vaccin de Pfizer/BioNTech. Quant à l’Europe, Pfizer et Moderna ont déposé une demande d'autorisation de mise sur le marché pour leurs vaccins respectifs auprès de l'Agence européenne du médicament (EMA) et les réponses sont attendues le 28 décembre pour Pfizer et le 12 janvier pour la biotech américaine.

Moderna : Pharma is Business

Alors que la planète suit de très près les différentes communications depuis les premières annonces d’efficacité de vaccins, et que les différentes autorités sanitaires et organismes officiels se félicitent de voir une issue plus concrète à cette épidémie, les acteurs parmi les plus avancés adoptent quant à eux des stratégies très différentes. En particulier, Moderna se distingue par une position relativement offensive et rappelle au passage que malgré la situation et le caractère exceptionnel de celle-ci, la Pharma reste une affaire de Business. En effet, le CEO de la biotech a depuis annoncé le prix de son vaccin et celui-ci se présente à ce stade comme le plus cher de tous. Le prix par dose devrait être compris entre 25$ et 37$ en fonction de la quantité commandée. Pourtant, ce vaccin étant à base d’ARNm, ce n’est pas le processus de fabrication qui justifie ce prix (celle-ci étant moins coûteuse que la fabrication de vaccin à base de virus tel que celui d’AstraZeneca par exemple), ni même un taux d’efficacité qui serait nettement supérieur à celui des concurrents. Les conditions de préservation et de stockage pourraient en partie expliquer ce prix puisque le vaccin de Moderna doit être conservé à -20°C. Cependant, le vaccin de Pfizer/BioNTech présente des exigences plus contraignantes et est tout de même proposé à un prix très en dessous : 19,5$/dose, soit entre 22% et 47% moins cher que le vaccin de Moderna. Ajoutons par ailleurs qu’une partie non négligeable des coûts associés à la gestion de la chaîne du froid est prise en charge par les Etats qui se sont équipés du matériel nécessaire (super-congélateurs à très basse température avec alarme). Moderna s’est donc clairement engagée sur le terrain du profit : le CEO a réalisé une très belle plus-value en vendant une partie de ses actions après l’annonce des premières données d’efficacité de son vaccin, et le prix de vente du vaccin est très au-dessus de la moyenne. Les négociations avec les différents Etats et instances officielles, et en particulier avec l’Europe, ont connu des ralentissements précisément pour ces aspects de prix. En effet, un responsable de l’UE impliqué dans les négociations a déclaré que la Commission européenne (CE) souhaitait conclure un accord avec Moderna pour la fourniture de millions de doses à un prix inférieur à 25$ la dose. Rappelons que le prix moyen jugé raisonnable que la CE avait estimé était de l’ordre de 15€/dose. Même à un prix négocié en-deçà de 25$/dose, l’enveloppe allouée aux vaccins de Moderna sera supérieure à celles des concurrents : 19,5$/dose pour Pfizer, 16$ pour Novavax, J&J prévoit de fournir son vaccin à 10$/dose, et AstraZeneca se distingue sur ce terrain avec son prix de 4$/dose, le groupe s’étant engagé à fournir son vaccin à prix coûtant. Si AstraZeneca, Big Pharma, et Moderna, Biotech, n’ont pas le même profil, ni même le même parcours et moyen, il faut tout de même souligner la volonté de Moderna de capitaliser sur la situation actuelle pour générer d’importants revenus. Nul ne pourra reprocher à un entrepreneur d’avoir une démarche mercantile, mais à l’heure d’une épidémie mondiale où beaucoup d’efforts ont été consentis par de nombreux acteurs, une stratégie de prix plus modérée aurait été la bienvenue. Rappelons surtout que Moderna a bénéficié d’importantes subventions publiques, et d’une importante revalorisation boursière du fait d’un investissement massif d’investisseurs institutionnels mais également privé, signifiant que la société n’a pas engagé seulement ses capitaux propres dans la mise au point de ce vaccin. La recherche d’enrichissement de la société, de son management et de ses actionnaires est absolument naturelle, mais nous estimons que l’approche adoptée par Moderna est très offensive et qu’elle manque de modération.

En ce qui concerne Moderna, la société a soumis sa demande d’EUA le 30 novembre aux US. Le verdict devrait être rendu par les commissions d’évaluation le 17 décembre, ce qui suppose que les vaccins seraient prêts à être mis à disposition des distributeurs dans les 24h post-approbation. L’objectif est de faire en sorte que les campagnes de vaccination puissent débuter 2 jours après le feu vert, soit dès le 19/12 dans un bull-scenario.

AstraZeneca : une mauvaise surprise qui pourrait finalement révéler de très bons atouts

Astrazeneca a publié ses premiers résultats d’efficacité en créant la surprise bien que celle-ci ait rapidement laissé la place aux doutes. En effet, le groupe qui a déjà connu quelques mésaventures avec son étude de Ph III qui a dû être suspendue à cause d’une maladie inexpliquée apparue chez l’un des volontaires, a finalement annoncé une efficacité duelle en fonction du régime de dose. Si en soi, le fait d’avoir plusieurs schémas de dosages dans la même étude avec des résultats différents ne posent pas de problème, c’est surtout le fait que ces schémas soient le résultat d’une erreur qui devient problématique. Pour rappel, après 131 cas de Covid-19 positifs au sein de la cohorte globale, il est ressorti un résultat de 90% d’efficacité lorsque les sujets recevaient une demi-dose suivie d’une dose complète à un mois, et un niveau d’efficacité de seulement 62% lorsque ce sont deux doses complètes qui étaient administrées. La bonne surprise vient du fait que le schéma le plus efficace est précisément celui qui est issu d’une erreur. Le schéma initial prévoyait deux doses complètes espacées d’un mois. Bien sûr, comme il s’agit ici d’une erreur, nous ne pouvons pas parler de « bras test » à proprement parler, celui-ci n’ayant pas été designé, et c’est là que le bât blesse. En effet, le sous-groupe concerné ne représente que 3000 volontaires au sein de la cohorte de 60 000 sujets au total. La puissance statistique est donc un premier élément limitant identifié. Ensuite, il y a eu un manque de transparence évident puisqu’après avoir dit que les seniors ne représentaient que 20% du sous-groupe (40% des cohortes attendus selon les recommandations réglementaires), la société a fini par admettre que le groupe ayant été testé à l'aide d'une demi-dose initiale - et présentant les meilleurs résultats - ne comportait en réalité aucun patient de plus de 55 ans. Depuis Astrazeneca s’est dite confiante pour lancer une nouvelle étude de Ph III pour tester précisément ce régime d’une demi-dose et d’un boost à une dose complète afin de vérifier dans le respect du protocole le taux de 90% d’efficacité observé accidentellement. Selon le CEO de la pharma, cette étude complémentaire pourrait être menée dans le cadre d’une procédure rapide avec une petite cohorte, ce qui selon lui ne devrait pas bousculer le calendrier initial, en particulier pour ce qui concerne le UK et l’EU. En revanche, il admet qu’une approbation des US devrait prendre plus de temps, l’essai de Ph III en cours ayant déjà été retardé d’un mois aux US à cause de la halte imposée après l’observation d’un cas de maladie inexpliquée.

Néanmoins, si cette erreur positive a priori a révélé plusieurs zones d’ombres, notons que celle-ci pourrait présenter de nombreux avantages si le taux de 90% est confirmé par l’étude complémentaire. D’une part, cela signifie que la vaccination par sujet pourrait se révéler encore moins cher. Si AstraZeneca s’est clairement positionnée sur le créneau de l’image versus la rentabilité dans la course des vaccins contre la Covid-19, le prix de 4$/dose annoncé initialement pourrait même être plus bas. Les Etats pourraient donc, pour le même prix, vacciner 25% plus de personnes, ou bien pour le même nombre de doses commandées, pouvoir se les procurer 25% moins cher… et ceci pour une efficacité de 90% potentiellement !

Si les pays occidentaux ont désormais l’embarras du choix, rappelons qu’outre le prix, les deux autres vaccins les plus avancés nécessitent des conditions de conservation plus contraignantes que le vaccin d’AstraZeneca (-70°C pour Pfizer et -20°C pour Moderna versus +2+8°C pour AstraZeneca). Les pays les moins développés pourraient donc y voir une aubaine. Avec un vaccin qui pourrait être presque aussi efficace que les vaccins qui seront distribués en occident, mais à un prix extrêmement abordable, non seulement les gouvernements de ces pays pourront envisager une vaccination à bas coût (prix coûtant du vaccin et aucun coût supplémentaire relatif à la logistique) mais également une couverture large grâce au fait qu’il y aura plus de doses disponibles que prévu initialement : 25% de personnes en plus pourront être vaccinées à la livraison des premières doses. Si Astrazeneca ne gagne pas la course en termes de chiffre d’affaires, elle devrait largement gagner sur le plan de l’image en particulier dans les pays émergents. L’Inde, qui est un pays particulièrement touché par la Covid, et très au fait de la vaccination grâce aux différents plans déployés ces dernières décennies, pourrait parfaitement être un pays cible pour AstraZeneca. Selon une source Reuters datant du 6/12, Pfizer aurait déposé une demande d’EUA en Inde auprès de la DCGI (Drug Controller General of India), autorité réglementaire du médicament. Cette information n’a pu être confirmée ni par le groupe pharmaceutique, ni par le gouvernement indien. Néanmoins, cela nous paraît très probable compte tenu du fait que l’Inde représente un territoire très stratégique. En effet, avec plus de 9,6m de personnes contaminées, l'Inde est le 2nd pays au monde le plus touché par la pandémie derrière les US. Toutefois, des représentants officiels du gouvernement indien auraient déclaré que le pays privilégiait les vaccins qui auraient été testés localement plutôt que les vaccins développés par Pfizer et Moderna qui, pourtant, devraient être les premiers disponibles. Lors de précédentes déclarations, le ministre de la Santé avait déjà laissé entendre que l’utilisation du vaccin de Pfizer serait peu probable. En effet, en Inde, les infrastructures actuelles permettent de conserver et de transporter les vaccins à une température de -20°C mais pas vraiment au-delà.  Le ministre de la Santé avait alors dit que « Pour l'Inde, il est impensable d'avoir recours à ce vaccin ». Par ailleurs, le prix est également un paramètre qui devrait orienter le choix du pays vers des solutions plus abordables, ce qui fait de facto de Pfizer et Moderna des concurrents hors-jeu avec des prix par vaccin compris entre 39$ et 74$, une véritable fortune pour un pays tel que l'Inde. En revanche, le pays produit sur son territoire le vaccin d’AstraZeneca et celui développé par la Russie, Sputnik V, ce qui positionne stratégiquement ces 2 vaccins pour couvrir cette zone et faire partie des options retenues par le gouvernement indien. Enfin, rappelons qu’un vaccin en Ph III est actuellement développé par une équipe indienne, ce qui en cas de résultats positifs, suppose possiblement 3 acteurs probables pour fournir l’Inde en vaccins. 

Si l’Inde semble avoir déjà posé ses options, le MENA et l’Amérique Latine de leur côté sont globalement proches des acteurs asiatiques (Chine) pour ce qui concerne les vaccins, il est très probable que ces pays décident également de s’orienter préférentiellement vers une solution AstraZeneca plutôt que vers les vaccins de Pfizer et Moderna. Rappelons une évidence : tous les pays ne pourront pas être servis en même temps et ne pourront pas recevoir le volume de doses suffisant pour couvrir l’ensemble des populations. Il faudra donc passer par plusieurs fournisseurs pour assurer la demande le cas échéant. Les résultats de l’étude complémentaire d’AstraZeneca, même s’ils n’arrivent que dans 2 à 3 mois, devraient dans le timeline arriver suffisamment tôt pour combler la capacité de Pfizer et Moderna à répondre à l’ensemble de la demande. Le prix et la quantité seront des atouts sérieux si le taux de 90% est confirmé. Le groupe britannique devrait être capable de fournir 3 milliards de doses de son vaccin en 2021, contre 1,3 milliard pour Pfizer/BioNTech (qui a déjà annoncé du retard sur ses prévisions de doses pour 2020), et entre 500m et 1Md de doses pour Moderna. AstraZeneca prévoit de fabriquer 200 millions de doses d'ici la fin 2020 et 700 millions à la fin du T1 2021. Rappelons par ailleurs que le groupe est engagé dans l’initiative Covax qui a vocation à favoriser l’accès équitable à la vaccination, ce qui souligne d’autant plus sa démarche socialement engagée.

Et en dehors de l’Europe et des US, le reste du Monde envisage d’autres options

Si les yeux d’une grande partie de la planète sont braqués sur les acteurs actifs en occident (selon la définition géopolitique de Samuel P. Huntington) et les annonces associées, il ne faut pas négliger les autres acteurs. Rappelons que selon l'OMS, il existe actuellement 49 candidats-vaccins à étude dans le cadre d’essais cliniques, dont 13 sont en Ph III. Parmi eux, les chercheurs russes qui ont mis au point un vaccin, le Sputnik V, qui aurait démontré un taux d’efficacité de 92% au-lendemain de la première publication de Pfizer. L’équipe devrait être en mesure de communiquer prochainement les résultats finaux de son étude de Ph III. Suite à l’annonce « duelle » d’AstraZeneca, le fabricant du vaccin russe a proposé aux équipes britanniques de combiner leurs deux vaccins pour augmenter l'efficacité. La proposition concerne l’essai clinique complémentaire qu’AstraZeneca souhaite initier, pour y intégrer un schéma combinant les deux vaccins, arguant que la combinaison de vaccins peut s'avérer importante pour les revaccinations. Cette proposition s’est faite via twitter, sans qu’une communication officielle sur le sujet n’ait été faite. A titre d’information, le vaccin russe produit au Kazakhstan à partir du 22 décembre, et la vaccination de la population kazakhe est prévue à partir de début 2021. Le vaccin russe doit également être produit dans d'autres pays dont l'Inde, la Chine, le Brésil et la Corée du sud, selon les autorités russes. Selon le gouvernement, plus de 100.000 personnes auraient déjà été vaccinées en Russie, la campagne ayant débuté le 5 décembre. Celle-ci est destinée en priorité aux travailleurs sociaux, aux personnels médicaux et aux enseignants dans 70 centres de vaccination ouverts dans Moscou.

La Chine est également très bien positionnée avec pas moins de 5 programmes en Ph III parmi les 13 programmes actifs en phase pivotale, soit près de 40% des solutions pouvant potentiellement être approuvées à court terme. A titre d’exemple, le laboratoire chinois Sinovac Biotech (coté au Nasdaq) a récemment obtenu un financement de 515m$ de Sino Biopharmaceutical pour doubler la capacité de production de son vaccin CoronaVac. A ce titre, Sino Biopharmaceutical prendra une participation de 15% dans Sinovac Life Sciences qui annonce pouvoir fabriquer 300m de doses de vaccin en 2021. Le groupe estime pouvoir doubler ses capacités et porter sa production annuelle à 600m de doses grâce à un second site de production actuellement en construction, et devant être opérationnel d’ici fin 2020.

Outre Janssen et Novavax, le pipeline des Ph III affiche un acteur canadien et un acteur indien également dans la course. Concernant le vaccin de Janssen, l’EMA a démarré le processus du rolling review (instruction au fur et à mesure des éléments qui sont versés au dossier d’EUA), ce qui en ferait potentiellement le 4ème vaccin qui pourrait être approuvé en Europe. L’avantage de ce vaccin sur les 3 autres est le régime qui ne nécessite pas de boost après la première injection : le vaccin consiste en une unique injection, ce qui représente un atout sur le plan financier mais également sur le plan logistique. Actuellement, J&J augmente sa capacité de production avec l'objectif d'atteindre un milliard de doses disponibles d'ici la fin de 2021. Sauf retournement majeur, nous ne considérons pas que les acteurs les moins avancés dans le segment des vaccins puissent encore avoir un avantage compétitif avec 13 programmes en Ph III dont 2 seront rendus disponibles ce mois-ci. Néanmoins, certains acteurs pourraient se distinguer par leur approche moins conventionnelle et plus disruptive sur un ou plusieurs des aspects suivants : le coût bien qu’AstraZeneca soit quasiment imbattable sur ce plan, mais son taux d’efficacité doit encore être confirmé ; le taux d’efficacité s’il se révèle au-dessus de 95% et plus proche de 100% ; la notion d’universalité si le vaccin pouvait adresser toutes les souches de coronavirus indifféremment des mutations actuelles et à venir ; l’innocuité si le vaccin était capable d’induire très peu voire pas d’effets indésirables ; le régime de la vaccination s’il n’exige qu’une unique injection vs 2 dans la plupart des cas ; le mode d’administration qui pourrait être un atout fort si le vaccin pouvait être administré sans injection et par un mode plus « simple » ; et enfin, la durabilité de la réponse immunitaire qui pourrait protéger dans la durée les sujets avec l’activation de l’immunité à médiation cellulaire (ce qui n’est pas encore confirmé pour les vaccins les plus avancés).

2/ Plans de vaccination en préparation : pour qui et pour quand?

Aux US : Trump devrait finir son mandat sur le lancement d’un plan de vaccination massive

A la veille de Thanksgiving, D. Trump avait annoncé qu’un plan de vaccination massive serait mis en place pour permettre une réactivité exemplaire afin que celui-ci soit déployé dans les heures qui suivraient les approbations par la FDA. Cette préparation est d’autant plus nécessaire que les US s’attendent à une accélération des cas positifs à la suite de Thanksgiving. Selon les dernières annonces, les réunions AdCom pour les 2 vaccins Pfizer et Moderna doivent se tenir les 10 et 17 décembre. Bien qu’elles ne soient en théorie que consultatives, elles devraient très largement orienter la décision du CBER (Center for Biologics Evaluation and Research) qui, au sein de la FDA, est en charge du GO/NO GO pour les produits biotechnologiques soumis à approbation. Selon le gouvernement américain, quelque 40 millions de doses des deux vaccins pourraient en effet être disponibles avant la fin de cette année, ce qui suggère donc la possibilité de vacciner près de 20 millions d’Américains avant le 1er janvier 2021. En ce qui concerne les priorités, une réunion s’est tenue mardi 1er décembre réunissant un comité d’experts indépendants des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), afin de décider de la stratégie. Sans surprise, la priorité a été unanimement donnée aux personnels soignants et les personnes âgées vivant dans des établissements de soins de longue durée. Dans le cadre de ce programme, la première phase de vaccination commencerait avec environ 21 millions d'agents de santé et environ 3 millions d'adultes qui vivent dans des établissements de soins de longue durée. Avec 20 millions de vaccins disponibles avant fin 2020, il faudra tout de même opérer des choix au sein de ces populations qui représentent 24 millions de personnes pour la première vague de vaccination. Rappelons néanmoins qu’il existe un délai de 14 ou 21 jours entre la première injection et la seconde, ce qui peut laisser le temps aux fabricants de fournir un second lot de doses pour répondre aux besoins de masse, à la condition que ça n’interfère pas avec les engagements auprès des autres pays. Les US devraient donc très vite emboîter le pas à la Russie et au UK, et lancer les premières vaccinations dans les prochains jours. La Belgique, la France et l'Espagne quant à elles prévoient des campagnes de vaccination en janvier, en se concentrant d'abord sur les plus vulnérables. Après les fêtes de Thanksgiving, les US présentent un bilan très sombre, les autorités de Santé ayant déclaré que "les Etats-Unis sont entrés dans une phase de transmission de haut niveau". Les niveaux atteints depuis le 24 novembre se présentent comme un record jamais atteint. Dans la crainte d’un nouveau rebond après les rassemblements familiaux pour les fêtes de fin d’année, il est probable que de nouvelles restrictions soient imposées comme au Québec. Dans le cas contraire, il faudra anticiper la possibilité de voir le nombre de contaminations fortement augmenter à partir de janvier, ce qui devrait coïncider avec l’arrivée des premiers lots de vaccins en Europe (hors UK).

En Europe : La Commission Européenne a vu les choses en grand

Selon les dernières communications, l’UE aurait à ce jour précommandé près d’1,5 milliard de doses de vaccins pour ses 447 millions d’habitants, soit un peu plus de 3,1 doses par citoyen européen. L’UE aurait de plus pris des options pour 660 millions de doses supplémentaires, mais bien sûr, la totalité ne pourra pas être produite immédiatement. Selon les données compilées par le Duke Global Health Innovation Center, ceci place l’UE entre les US (3 doses par habitants) et l’Australie (5,3 doses par habitant) en ce qui concerne les commandes (en dehors de la Chine qui n’est pas répertoriée dans cette base). Par ailleurs, l’initiative Covax, pilotée par l’OMS a commandé 1,6 milliard de doses afin de permettre l’accès à la vaccination aux pays les moins développés.

L'Union européenne a signé plusieurs contrats : 300m de doses avec Pfizer/BioNtech, 400m de doses avec AstraZeneca, 400m avec Johnson & Johnson, 300m avec Sanofi-GSK (300 millions), 225m de doses avec CureVac pouvant potentiellement être étendues à 180m de doses supplémentaires, et 80 m avec Moderna avec la possibilité d'augmenter à un total de 160 m de doses. En parallèle, Bruxelles discute avec d'autres laboratoires dont Novavax, pour s'assurer de recevoir des doses de leur vaccin s'il s'avérait probant. À terme, c'est la Commission européenne qui se chargera de répartir les doses entre chaque État membre (cf infographie du 1er décembre Flourish).

En France : 15% des vaccins commandés par l’UE devraient lui revenir

Cela représenterait 222 m de doses réservées pour la France, soit 110 millions de personnes à vacciner. La part pouvant être rendue disponible dès les approbations attendues à la toute fin décembre pour Pfizer et mi-janvier pour Moderna, ne devrait concerner qu’une relative proportion. La HAS (Haute Autorité de la Santé) a publié ce lundi 30 novembre ses recommandations finales au sujet de sa stratégie de vaccination massive. Son avis définitif sera donné autour de la mi-décembre mais à ce stade, comme pour les US, la priorité est donnée aux personnes à risque et aux professionnels exposés. La HAS a publié un plan de priorisation en 5 phases. La priorité numéro 1 va donc aux personnes vulnérables et le plus à risque, c’est-à-dire les personnes en EHPAD, ainsi que le personnel soignant qui travaille avec ces personnes à risque. Selon certaines sources, seuls 1,5 million de Français – parmi les soignants et les personnes les plus vulnérables – seraient vaccinés dans un premier temps, en janvier 2021. Le gouvernement français s’est prononcé jeudi 3 décembre, et a dévoilé sa stratégie vaccinale notamment en termes de logistique. A ce sujet, les médecins de ville demandent à être impliqués, ce qui ne semble pas être dans le plan initial du gouvernement. Rappelons toutefois que l’arrivée des premiers vaccins se fera juste après les fêtes de fin d’année, ce qui, comme pour Thanksgiving aux US, est un sujet d’inquiétude quant à la diffusion du virus. Comme dans le cas des US post-Thanksgiving, il faut se préparer à un probable rebond des cas positifs après la fin de l’année, le gouvernement ayant autorisé les rassemblements familiaux durant les fêtes après un confinement d’un mois qui avait justement pour vocation de ralentir la propagation du virus. A ce sujet, le gouvernement canadien qui avait également autorisé un rassemblement de 4 jours à l’occasion des fêtes, vient d’annoncer son interdiction face à l’importante augmentation des cas de Covid-19. La vaccination du très grand public (hors EHPAD et professionnels de santé) ne pourra pas être envisagée avant la mi-2021 selon nos estimations, ce qui laisse supposer encore un semestre de flou à craindre.

3/ Objectifs de la vaccination : installer l’immunité collective… mais est-ce réalisable?

L'objectif immédiat de la vaccination massive est l'immunité collective, mais cela dépend du taux de reproduction du virus et de l'efficacité du vaccin. Dans le cas de cette pandémie et en prenant le cas de l’Europe, il faudrait qu’au moins 60% de la population soit efficacement immunisée pour espérer atteindre le seuil minimum de l’immunité collective. Si l'on part de l'hypothèse "zéro", c'est-à-dire que l'on ne tient pas compte de la population qui serait déjà naturellement immunisée contre le virus, il faudrait donc vacciner près des 2/3 de la population. Or, plusieurs paramètres posent problème à cette théorie. D’une part, aucun des vaccins ayant délivré des résultats n’a montré une efficacité à 100% ce qui signifie qu’il faudra vacciner plus de 60% de la population pour atteindre le seuil requis de l’immunité collective. Il est probable que ce soit près de 70% de la population qui doive être vaccinée. D’autre part, la plupart des vaccins ont été développés pour les adultes seulement, ce qui exclut de facto la population pédiatrique qui représente en Europe près de 20%. Ceci signifie donc qu’il faudra vacciner environ 90% des adultes, toujours dans l’objectif d’atteindre ce seuil d’immunité collective. La démographie de l'Union européenne est estimée à 446 millions d'habitants par Eurostat, ce qui signifie que près de 315 millions d’européens adultes devront être vaccinés pour installer cette immunité collective, qui de facto aura surtout vocation à entraîner l’extinction du virus plus qu’à ne protéger les sujets non vaccinés. En effet, dans ce scénario, la grande majorité des non-vaccinés seront les enfants et adolescents dont on sait qu’ils sont peu concernés par la Covid-19 (si ce n’est comme vecteur de diffusion). Or, si l’EU a précommandé 1,5 milliards de doses, ce qui représente autour d’1 milliard de vaccins (selon le régime de chaque vaccin), la plupart des doses arriveront au S2 2021 voire plus tard, ce qui est d’ailleurs en ligne avec les plans de priorisation de la vaccination. Mais surtout, le point le plus problématique relève de l’adhésion de la population. Selon différents sondages, la proportion de citoyens qui semblent avoir l'intention de recevoir un vaccin reste probablement trop faible pour arrêter efficacement la propagation de la maladie et atteindre cette fameuse immunité collective. La crainte de se faire vacciner est mondiale et un récent rapport d'Israël montre que les professionnels de la santé qui ne prennent pas en charge les patients atteints de Covid-19 hésitent plus à se faire vacciner que ceux qui sont activement impliqués dans la pandémie. En France, 77% des médecins seraient prêts à se faire vacciner tandis qu'aux US, il s’agit de 69% et de 64% au UK. Au sein de la population globale, les chiffres chutent puisqu’en France, ce ne serait que 60% des Français qui seraient pro-vaccins Covid-19. Confronté au chiffre de 90% des adultes devant se faire vacciner pour atteindre l’immunité collective, ce chiffre de 60% apparaît trop faible pour permettre d’atteindre les objectifs du plan de vaccination massive. En dehors d’un scénario où la vaccination serait rendue obligatoire – ce qui ne peut déontologiquement pas être le cas à ce stade tant que nous n’avons pas le recul nécessaire pour évaluer l’efficacité et l’innocuité à moyen terme de ces vaccins – il faudra poursuivre et accélérer les efforts dans la recherche de solutions thérapeutiques. Ce constat et l’analyse des différentes limites à la vaccination relancent plus que jamais la nécessité d’identifier des traitements qui permettront de prendre en charge les cas positifs actuels et à venir, en particulier pour empêcher l’évolution de la maladie vers les cas les plus sévères entraînant la mort.

4/ Les vaccins oui, mais pas que: les traitements sont impératifs!

A ce jour, 2 produits ont été approuvés par la FDA pour traiter les cas de Covid-19. Le très controversé Remdesivir (Gilead) a obtenu une AMM le 22 octobre de la part de la FDA pour traiter les patients de 12 ans et plus nécessitant une hospitalisation, mais sur la base de résultats mitigés. Les résultats de l'étude globale menée par le groupe suggéraient que le médicament pouvait réduire la mortalité, mais le bénéfice n'était pas statistiquement significatif. L’OMS a quant à elle rendu un verdict pessimiste sur la base des observations faites dans le cadre de son essai Solidarity. Cette étude a été menée sur plus de 11 300 personnes dans 30 pays. Elle a concerné 4 produits antiviraux connus pour en évaluer l’efficacité dans le cadre de la Covid-19 : Remdesivir, hydroxychloroquine, lopinavir-ritonavir et interféron. Selon les observations faites, les patients qui ont reçu l’un des 4 produits ne semblaient pas être susceptibles de survivre plus que ceux qui n’avaient rien reçu. De plus, leurs séjours à l'hôpital n'étaient pas non plus écourtés. Face à ce constat, l’OMS a depuis officiellement déconseillé l’utilisation du Remdesivir dans le cadre de la Covid-19.

Après le Remdesivir, la FDA a approuvé un second médicament pour adresser la Covid-19. Le vaccin REGEN-COV2 est un traitement développé par Regeneron qui correspond à un cocktail de deux anticorps de synthèse. Pour l’anecdote, c’est l’un des traitements que Donald Trump a pris pour lutter contre son infection Covid-19. Cette dernière EUA a été accordée pour traiter les patients souffrant de maladies secondaires ou de comorbidités dans le but de réduire le taux d’hospitalisation et les consultations aux urgences. Un contrat de 450m$ a d’ores et déjà été conclu avec les US.

Depuis ces deux EUA, le pipeline en développement peine à distinguer de nouveaux candidats plus prometteurs. Pour mémoire, une première EUA avait été accordée par la FDA pour un traitement à base de plasma comme thérapie contre le covid-19, mais celle-ci avait été très rapidement retirée quelques jours à peine après avoir été accordée, faute de démonstration d’efficacité. D’autres études cliniques ont été menées à base de plasma et aucune n’a donné de résultats positifs sur le plan de l’efficacité. Par ailleurs, plusieurs essais cliniques évaluant différentes stratégies thérapeutiques ont été abandonnés faute de démonstration d’efficacité. En parallèle de ces abandons, de nombreuses collaborations ont été annoncées dans ce segment, témoin de l’investissement pour identifier des solutions thérapeutiques malgré l’avènement des vaccins, mais il est probable que les développements requièrent plus de temps que pour les vaccins. Pourtant les efforts dans le segment des traitements sont considérables avec pas moins de 634 essais cliniques actifs à ce jour. Différentes stratégies sont abordées, certaines avec des rationnels scientifiques et médicaux plus solides que d’autres, mais à ce jour, force est de constater qu’aucun traitement réel n’a encore émergé. Qu’il s’agisse d’antiviraux qui ont pour vocation de lutter contre le virus et sa réplication, ou de produits anti-inflammatoires dont l’objectif est d’inhiber ou du moins atténuer l’orage cytokinique consécutif à l’activation du système immunitaire induite par l’infection, aucun traitement n’a encore délivré de résultats concluants. Si la recherche de solutions totalement innovantes peut exiger un temps beaucoup trop long et inadapté à une situation d’urgence telle que celle que l’on vit, diverses études portent actuellement sur du repositionnement de produits. En effet, l’arsenal de candidats est immense, mais, bien que la stratégie empirique visant à repositionner des médicaments déjà approuvés pour leurs effets antiviraux et/ou anti-inflammatoires, ait été largement déployée, peu de résultats concluants ont été répertoriés à date.

5/ Quels impacts attendre à moyen terme sur notre mobilité?

Dans cette euphorie des vaccins arrivant, quelques points restent tout de même négligés. En premier lieu, un point essentiel est globalement resté peu abordé à ce stade. Si l’annonce de l’arrivée imminente de vaccins, ainsi que l’organisation des campagnes de vaccination en plusieurs vagues, sont de très bonnes nouvelles, certains éléments doivent être soulignés : les vaccins protègent chaque individu d’une éventuelle réinfection en théorie, mais n’empêchent pas la contagiosité. Il faudrait donc en toute théorie maintenir les dispositifs actuels de distanciation et les gestes barrière en attendant d’avoir atteint le seuil de l’immunité collective. Ceci étant dit, quels sont les impacts à attendre sur notre relative mobilité au sein du territoire national mais surtout au-delà des frontières ? Si la question des flux transfrontières commence à se poser avec la vaccination, seuls quelques États se sont prononcés sur le sujet. Évidemment rien n’est figé à ce stade, et il est probable que les choses s’ajusteront au fur et à mesure de l’état de connaissance de la situation et de son évolution avec le déploiement des plans de vaccination.

A ce stade, et en l’absence d’un discours politique clair et homogène, il est probable que chaque compagnie aérienne impose son « diktat ». D’un point de vue juridique, ça n’est évidemment pas viable, mais il est probable que les Etats ne réagissent qu’après que les décisions arbitraires de chaque compagnie les obligent à légiférer. Les compagnies aériennes commencent d’ailleurs à s’organiser justement pour éviter que chacune d’elles ne dicte ses propres règles : l'Association du transport aérien a ainsi proposé un passeport sanitaire unique, sous la forme d’une application sur smartphone qui recenserait les vaccins et les tests Covid de chaque passager. Dans la situation actuelle, il semble hautement probable que les gouvernements suivent les directives des compagnies aériennes et exigent une vaccination obligatoire pour voyager.

En dehors des considérations pratiques et juridiques, sur le plan de la science, le vaccin ne devrait pas suffire à limiter la propagation du virus. A titre individuel, chacun devra donc par « conscience civique » prendre ses précautions pour protéger les autres. Dans le cadre des vols aériens, il est donc possible que des tests soient rendus obligatoires à l’arrivée, en particulier ceux qui visent à détecter la présence de virus dans les voies respiratoires supérieures, à savoir les écouvillons, ou bien les tests salivaires moins sensibles mais qui présentent l’avantage d’être plus rapides et moins coûteux. A ce titre, les compagnies aériennes pourraient privilégier ces derniers justement pour leur rapidité laissant imaginer des tests sur place juste avant l’embarquement (les écouvillons exigent quant à eux du personnel qualifié et surtout quelques heures avant la révélation des résultats).

Pour ce qui concerne les périodes de quatorzaine ou d’isolement de 7 jours que beaucoup craignent, ces dispositifs ne présentent pas vraiment d’intérêt chez des personnes vaccinées. En revanche, il n’est pas exclu qu’un test négatif de moins de 48h soit exigé au départ (comme c’est le cas actuellement), afin de s’assurer que la charge virale soit en dessous du seuil de contamination dans le cas de personnes vaccinées qui auraient été récemment infectées.

6/ L'année 2021 restera probablement une année de transition...

Si les vaccins commencent à affluer, il est probable que 2021 reste une année de transition et que les signes concrets de sortie de crise ne commencent à être réellement perceptibles qu’à partir de 2022. Un autre signal qui appuie cette estimation, est le fait que le WSJ (Wall Street Journal) ait révélé que Pfizer aurait revu à la baisse le programme de distribution de son vaccin pour 2020, en raison de problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement. Le groupe envisage désormais de fournir 50 m de doses en décembre, au lieu des 100 m envisagées initialement, ce qui représente une réduction de moitié des prévisions. De son côté Moderna a annoncé le volume qu’elle envisage de livrer sur 2020 et 2021, ainsi que la ventilation par régions : entre 100 m et 125 m de doses à travers le monde au cours du T1 2021, dont 85 m à 100 m aux US et « seulement » 25m de doses hors US. Pour 2021, Moderna s'attend à pouvoir produire globalement entre 500m et 1 Md de doses. De notre point de vue, nous estimons qu'il faudra anticiper d’autres annonces de retards d’approvisionnement à court terme, ce qui devrait repousser les calendriers annoncés, notamment pour ce qui concerne les campagnes de vaccination grand public que nous n’envisageons plus avant la mi-2021 voire le S2 2021 en Europe (hors professionnels de santé et personnes vivant ou travaillant en EHPAD). Il est donc impératif que les efforts pour identifier un ou des traitements efficaces soient poursuivis et accélérés pour combler les failles de la vaccination en particulier. Il est nécessaire de pouvoir prendre en charge les personnes actuellement infectées et toutes celles qui le seront en attendant que le vaccin ne leur soit proposé. N’oublions pas que les vaccins qui ont à ce jour montré des taux d’efficacité de 90% à 95%, ne protègent pas une moyenne de 5 à 10% de la population, ce qui signifie qu’il faudra de toute manière traiter cette partie de la population si des cas plus sévères devaient la concerner. Et enfin, mentionnons deux autres paramètres qui appuient la nécessité d’un traitement à court terme : la défiance de la population vis-à-vis des vaccins qui sera un frein majeur à l’atteinte de l’immunité collective, et le temps incompressible nécessaire à la fabrication / livraison des volumes de doses nécessaires pour répondre à la demande mondiale. Ce temps incompressible sera lissé sur la totalité de l'année 2021 voire au-delà, ce qui explique l’organisation en plusieurs vagues de la vaccination afin de prioriser les personnes les plus vulnérables et les plus à risque. En attendant une vaccination massive et surtout globale (tous les continents sont concernés sans exception), et en dehors de toute autre solution, le virus devrait selon toute vraisemblance persister.

Ce sont ces éléments factuels qui nous poussent à penser que 2021 restera une année de transition, ce qui sera très profitable aux fabricants de tests diagnostiques qui ont encore de beaux jours devant eux selon notre perception. La reprise progressive des flux et l'organisation de ceux-ci devraient être de solides leviers de croissance pour ce segment, en particulier les tests rapides (salivaires et naso-pharyngés). De plus, la phase IV qui consiste à suivre les populations inoculées pour surveiller, d’une part, l’apparition d’effets indésirables et secondaires sur le moyen/long terme et, d’autre part, vérifier l’efficacité dans le temps, devrait favoriser les tests à immunité cellulaire. En effet, l’enjeu aujourd’hui est de s’assurer que les vaccins protègent durablement et donc qu’ils entraînent l’activation de l’immunité cellulaire (et pas seulement les anticorps). Dans ce contexte de transition, en attendant d’avoir plus de recul sur le bénéfice des vaccins à l’échelle de l’organisme et à l’échelle de la population globale, un traitement est plus que nécessaire.  Malgré l’arrivée massive de vaccins, le besoin de traitements est avéré car les vaccins ne régleront le problème de l’épidémie que dans plusieurs mois, et aux conditions 1/ d’une adhésion massive de la part de la population, ce qui n’est pas une mince affaire en l'absence d'une confiance forte dans les pays industrialisés, et faute de moyens dans les zones les moins favorisées, et 2/ de la démonstration d’une efficacité et d’une innocuité à très grande échelle et sur le long terme. Si les données cliniques que nous avons à disposition à date sont encourageantes, il demeure la nécessité de confirmer et valider sur le terrain et dans la durée les résultats annoncés par chacun des développeurs, ce qui sera l'enjeu principal des prochains mois.

Ce sont ces éléments factuels qui nous poussent à penser que 2021 restera une année de transition, ce qui sera très profitable aux fabricants de tests diagnostiques qui ont encore de beaux jours devant eux selon notre perception. La reprise progressive des flux et l'organisation de ceux-ci devraient être de solides leviers de croissance pour ce segment, en particulier les tests rapides (salivaires et naso-pharyngés). De plus, la phase IV qui consiste à suivre les populations inoculées pour surveiller, d’une part, l’apparition d’effets indésirables et secondaires sur le moyen/long terme et, d’autre part, vérifier l’efficacité dans le temps, devrait favoriser les tests à immunité cellulaire. En effet, l’enjeu aujourd’hui est de s’assurer que les vaccins protègent durablement et donc qu’ils entraînent l’activation de l’immunité cellulaire (et pas seulement les anticorps). Dans ce contexte de transition, en attendant d’avoir plus de recul sur le bénéfice des vaccins à l’échelle de l’organisme et à l’échelle de la population globale, un traitement est plus que nécessaire.  Malgré l’arrivée massive de vaccins, le besoin de traitements est avéré car les vaccins ne régleront le problème de l’épidémie que dans plusieurs mois, et aux conditions 1/ d’une adhésion massive de la part de la population, ce qui n’est pas une mince affaire en l'absence d'une confiance forte dans les pays industrialisés, et faute de moyens dans les zones les moins favorisées, et 2/ de la démonstration d’une efficacité et d’une innocuité à très grande échelle et sur le long terme. Si les données cliniques que nous avons à disposition à date sont encourageantes, il demeure la nécessité de confirmer et valider sur le terrain et dans la durée les résultats annoncés par chacun des développeurs, ce qui sera l'enjeu principal des prochains mois.

Jamila El Bougrini, analyste chez Invest Securities. Senior Member chez Markets & Listing.